33, 14 avril 2006, Fortune de Mer
Fortune de mer !
Curieux terme pour désigner un événement qui
devrait plutôt être qualifié d’infortune de mer…
C’est peut-être parce que, il n’y a encore pas
si longtemps, les habitants des zones côtières considéraient comme une bonne
fortune, à juste titre vu de leur clocher, tout ce qui leur venait de la mer et
qu’ils savaient, à l’occasion, profiter des opportunités que leur apportaient
parfois les éléments déchaînés, sous forme de navires marchands qui venaient se
fracasser sur les récifs.
A tel point que certains d’entre eux, las
d’attendre trop longtemps une hypothétique tempête, aidaient un peu la nature,
se transformaient sans scrupule en naufrageurs, et allumaient des feux pour
guider les navires vers des récifs meurtriers, dans le but inavouable mais bien
affirmé de les échouer et de les piller.
Aujourd’hui,
la fortune de mer, c’est un peu la
faute à « pad’chance », c’est
le terme consacré qui met en évidence
et officialise l’impossibilité d’attribuer un
sinistre ou un événement à un
élément
reconnu et avéré. Ce pourrait être une erreur
d’appréciation, une faute de
navigation, une collision pour défaut de veille, un
défaut d’entretien, le
vieillissement d’une pièce… Mais non, aucune de ces
causes ne peut être
retenue, et l’on est bien obligé d’accepter
l’inéluctable perfidie des éléments
occultes, l’action d’un gremling pernicieux,
l’influence d’un animal à longues
oreilles, le fameux cousin du lièvre, que l’on aurait
laissé s’introduire
clandestinement à bord…
La fortune de mer, c’est ce qui permet de dire
à son assureur « j’ai tout fait bien, je suis resté « dans les
clous », j’ai utilisé mon bateau en bon père de famille… et malgré ça,
patatras ! Le mat est tombé, le bout’ s’est pris dans l’hélice, l’OFNI
(objet flottant non identifié), a sauvagement attaqué mon bateau, une remontée
des fonds non prévue s’est dressée devant ma route… »
Cela peut, bien sûr, arriver au courts d’une
saison, mais n’invoquons pas trop la sacro-sainte « fortune de mer »,
acceptons nos propres responsabilités et retenons également la possibilité
d’avoir commis une erreur, cela nous permettra de ne pas la rééditer.